Les innombrables tours du monde en solitaire d’un farfelu.

25 mars 2021 4 Par Domi MONTESINOS

Vous croyez que cet article est un pur délire de l’auteur?

Vous avez parfaitement raison! Place à la poilade avec ce titre en contrepèterie flagrante:

Rudune en orbite…

Rudune était un solide gaillard, bâti comme un chêne et passionné de bambou. Tout le monde l’avait surnommé Rudolf, allez savoir pourquoi…
À 84 ans révolus, il s’apprêtait à attaquer son quarantième tour du monde en solitaire. Sans escale, mais avec bambou!

Enzo, un neveu éloigné de Rudune, en voyage en Afrique

Pourquoi tous ces tours du monde ?

Deux raisons majeures, plus quelques autres, mineures, que nous aurons le bon goût d’occulter.

D’abord, il était totalement asocial et ne s’entendait avec personne.
Et puis surtout, il n’avait encore jamais réussi à boucler une circumnavigation sans escale.
C’était pourtant sa ferme intention. Il voulait absolument réaliser un tour du monde seul!
Mais à chacune de ses nombreuses tentatives, des imprévus se présentaient qui l’obligeaient à faire relâche, à Saint Kitts ou ailleurs…
Tant et si bien qu’à chaque retour au bercail, il se sentait tenu de repartir au plus vite autour du monde.

Tout en double, une passion peu commune

Dès son plus jeune âge, il avait conçu une admiration sans bornes pour l’architecte, navigateur, constructeur, James Warrham.
Très probablement à cause de leur passion commune pour les doubles : deux coques, deux femmes, deux mâts. Ainsi, bien entendu, qu’une belle paire de génitoires qui lui conféraient une invincibilité très enviée.
Ce gars n’avait peur de rien et c’était réciproque.

Rudolf menait une vie saine, presque monacale

D’où sa bonne santé insolente et son étonnante vivacité en dépit d’un âge respectable.
Il ignorait la communion apéritive, ne fumait pas et ne copulait pas, non plus !
La dernière fois qu’il avait sollicité son appareil reproductif, c’était à dix-sept ans et demi. Il employait une méthode manuelle sur laquelle je ne m’étendrais pas,
Merci de votre compréhension.

Des amis d’enfance passionnés de bambou

Tout petit, à l’école, il s’était lié d’amitié avec un Tonkinois dont les parents exploitaient une bambouseraie à Barbuda
C’était la seule personne au monde qui trouvait grâce à ses yeux (au nombre de deux, eux aussi, les yeux…).
Ils ne savaient parler que de bambous. Chacune de leurs conversations se concluait immanquablement par cette phrase lourde de sous-entendus :
— « Continue comme ça, tu tiens le bambou ».

Un bon petit canote

Aussi, quelques années plus tard, à l’heure de se rendre propriétaire de son propre canote, Rudolf porta tout naturellement son choix sur un catamaran de grande taille grée en ketch, avec des voiles de jonques, équipées de lattes en bambou, bien entendu.
Ce bateau était particulièrement rapide, car il jouissait d’une grande longueur à la flottaison.
En effet, à la lumière d’expériences d’autres navigateurs et après mûre réflexion, Rudolf avait opté pour soixante-cinq mètres de long, pas moins, pas plus !
Il avait considéré que le « Vendredi 13 » de Jean-Yves Terlain était un peu court à son goût. Cependant qu’Alain Colas avait tout de même abusé avec les soixante-douze mètres de son « Kleubeumède ».

La magie hydrofoil

Afin d’être définitivement très véloce, il l’avait équipé de foils en bambou.
Cette magistrale innovation lui avait été inspirée par la morale d’une fable de La Fontaine : je plie, mais ne rond-point.
Il considéra que cette élasticité naturelle du matériau le mettrait largement à l’abri d’une rupture intempestive tout en lui procurant un surcroit de confort :
d’après ses estimations, les foils agiraient très certainement à la manière des fameuses suspensions oléopneumatiques des automobiles Citroën de l’époque… Ils amortiraient souplement la rudesse des vagues.

Nous constatons là qu’en dépit d’une certaine rusticité de caractère, notre aventurier ne manquait pas de bon sens.

Une chance invraisemblable avait sourit à Rudolf en ces temps de navigation à l’estime autant qu’astronomique. Elle lui avait permis de s’équiper d’un magnifique et rarissime sextant en bambou !
L’instrument, de petite taille et joliment réalisé était, de surcroit, finement ciselé et idéal pour une navigation autour du monde.
C’était l’œuvre d’une artiste thaïlandaise dont il avait croisé le chemin lors d’une de ses innombrables escales improvisées.
Il l’avait reçu en cadeau, probable remerciement d’une de ces largesses dont il était coutumier.

Cet objet rare possédait de fines décorations au charme délicat.
Aussi, Rudolf le portait-il volontiers en sautoir lors de ses sorties nocturnes, soit environ une fois par décennie.

Des tours du monde en solitaire à répétition

De fait, il était si souvent en navigation qu’il bouclait, en moyenne, pas moins de deux tours du monde par an, à l’exception des années bissextiles où il en faisait trois ! C’est vous dire…

Mais, de quoi vivait Rudolf?

C’est la question qui démange tout naturellement à la lecture de ce récit de voyage.
Je peux l’exprimer, ça me l’a fait aussi. Son gagne pain était sa plume!

Il se trouve que Rudolf avait ce qu’il est convenu d’appeler une « jolie plume ». Laquelle ne manqua pas d’être remarquée par les quelques rédac chefs de revues nautiques qui gardent un œil sur l’extérieur, comme Briag Merlet, de bateaux.com. Bref, il devint bientôt pote avec le célèbre journaliste Gilou Ruruffe qui l’introduisit tant et si bien qu’il obtint une rubrique hebdomadaire dans l’incontournable magazine «Multicoques et bambous mag ».

  • « Mais ce n’est pas un hebdo », m’objectera-t-on.
  • « Raton vous-même, je le sais très bien et ce n’est pas comme ça qu’on parle aux gens ».

Ceci est un mystère. Il n’en demeure pas moins que ses écrits, bien que modestement monnayés, lui permirent de subsister tant bien que mal durant plusieurs décennies.

De quoi se nourrissait Rodolf en mer?

Il mangeait exclusivement du riz, des poisson-volants et de pousses de bambou, agrémentés de sargasses en salade lorsqu’il en trouvait…
Il les cuisinait sommairement avec de l’huile de tournesol et de la sauce soja. Puis il complétait le tout avec du sel récupéré sur son pont. Il y ajoutait volontiers du sucre qui lui avait été offert par une Martiniquaise qu’il avait sauvée de la noyade lors d’une escale improvisée. C’était au lieu dit « Les 3 gilets » qu’il avait surnommé « Les ilets jaunes ».

De l’importance des préparateurs dans les compétitions nautiques

Rappelons qu’en dépit de sa réelle intention de réaliser un tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance, il était un médiocre préparateur. De plus, il se laissait volontiers aller à relâcher pour quelques vagues avaries plus ou moins imaginaires…
Tout ceci prouve, s’il en était besoin, que l’homme était assez ambivalent, voire ambidextre, si ce n’est bipolaire… Je ne suis pas très expert en ambiguïté.

Dans sa magistrale étude sur les recoins les plus sombres de l’âme humaine, Lolo le Baffeur pose clairement la question : « existe-t-il des ours bipolaires » ?
Et Rudolf y apporte malgré lui une réponse sans équivoque : « oui, moi ».

Alors, « et ce quarante-huitième tour du monde en solitaire, où en est-il ? »

Comment vous dire ?…Je n’en sais rien.
Aux dernières nouvelles, son acuité visuelle ayant largement régressé, il m’a été rapporté, par des sources on ne peut plus incertaines qu’il songerait à se séparer de son sextant au profit d’un GPS en bambou… Hélas, même Amazon n’en propose pas encore. Toutefois, il resterait confiant…
En l’absence de renseignement fiable, les suppositions les plus fantaisistes abondent sur les réseaux sociaux.
Ce qui, soit dit en passant, ne constitue pas une nouveauté. En effet, ce vecteur de communication semble s’être fait une spécialité de diffuser des informations plus ou moins délirantes.

La grande question reste: »Where is Rudhune?

Rudolf est-il parvenu à quitter Koukdjuak dont il avait fait sa « base arrière » à dessein de ne pas devenir la proie des délateurs paparazzis ? (C’était, d’ailleurs, très rusé de sa part d’agir ainsi, car il n’y rencontra jamais d’autres bipèdes que des ours polaires, dont il détestait l’odeur. Mais ceci ne nous concerne pas. D’autant que cet animal, légèrement bipolaire lui-même, ne se gênait pas, suivant les circonstances, pour faire le quadrupède quand ça l’arrangeait…).

Nous lui souhaitons sincèrement, d’avoir réussi à s’éloigner du grand nord canadien

Car sinon, il doit se les geler horriblement en ce moment. Surtout que je crois me souvenir que son poêle en bambou s’était malencontreusement atomisé lors d’une escale imprévue à Fukushima. Les radiations sûrement… Tout le monde sait que le bambou n’est pas du tout adapté au milieu radioactif. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si on en rencontre si peu dans les sous-marins nucléaires, même les plus modernes.

Allez, restons optimistes

Et considérons que notre héros est probablement, en ce moment même, en train de boucler enfin son tour du monde en solitaire sans escale.
Et alors c’est sûrement pour cette raison qu’on n’en entend pas parler.
Wait and sea…and sunset facétieux

PS: Il y a une contrepèterie dans le sous-titre.
J’offre un exemplaire numérique du roman « Les Admos » a qui la trouve…

Domi, auteur de récits de voyages

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