Descente de la montagne Pelée en marche arrière
Quelle journée magnifique et mémorable!
C’est en compagnie d’un couple d’amis canadiens, sportifs accomplis, que Mamilou en short attaque gaillardement l’ascension de la montagne Pelée, en Martinique, à partir de Morne Rouge.
700 mètres de dénivelé, sur des chemins, certes pentus, mais pratiquables tout de même, voilà qui constitue une aimable promenade de santé!
A mi-hauteur, rencontre avec une paire de jeunes descendants…
Au fur et à mesure de la montée, la difficulté s’accroit, avec des passages dans les rochers de plus en plus ardus… C’est là que nous croisons un couple de jeunes, bien gentils, occupés à rentrer au refuge n°1 (donc plus bas…) en marche avant…
Nous: – « Alors comment c’est là-haut? Belle visibilité? »
Eux: – « Ah, ben, on sait pas, on a fait demi-tour bien avant, c’était trop dur! »
Oups!
Bon, nous sommes vieux, d’accord, mais tant qu’on est debout, on avance
Et, hop, c’est reparti. La chance nous sourit en déchirant de temps en temps l’épais manteau de brouillard afin de nous coller dans les carreaux des panoramas somptueux. Tant et si bien que nous voici bientôt au sommet: Yessss! Satisfaits, heureux, on l’a fait, le monde est à nos pieds.
L’unanimité se fait en quelques secondes sur le programme de la scène 2
Il est rapidement décidé de faire le tour de la caldera et de redescendre par l’ouest, de manière à opérer un retour à la civilisation au charmant village: « Le Prêcheur »… Très joli programme!
Et donc z’yva la descente après une petite heure de contournement de la crête du volcan, un véritable ravissement grâce à de très nombreuses éclaircies et des paysages à vous couper le souffre…
Et puis, petit à petit, sournoisement, sans en avoir l’air, ça se corse, comme on dit à Bastia…
Nous l’apprendrons par la suite, mais, hélas, les dernières pluies diluvienne ont ravagé le chemin de descente qui est devenu un véritable parcours du combattant… et qui n’en finit pas, en plus… Et là, les carcasses plus ou moins usagées des impétueux découvreurs de mont Pelée commencent à souffrir, qui des genoux, qui des pieds qui de tout… Ajoutons que le sommet s’éloignant, le soleil cogne de plus en plus et la température grimpe au carré de notre vitesse de descente… Et nous n’avons bientôt plus une goutte d’eau…
Par chance, un des membres du groupe possède un optimisme en acier inoxydable, chromé de surcroit
Je ne le citerais pas, bien que tout le monde ait compris qu’il s’agit de notre irremplaçable Charly qui nous évoque sans malice le bon petit verre de rosé qui nous attend quelques milliers de mètres plus bas, dans un petit restau des familles qu’il se fait fort de nous trouver sans tarder… Cependant que les deux anciens, que je ne citerais pas non plus parce que, notre âge, on n’y peut rien, commencent à se sentir de plus en plus à l’agonie.
Nous voici arrivés à La Grande Savanne, tout va devenir plus cool, c’est de la route en dur
Tout faux! C’est exactement le contraire! Car la pente de cette satanée route est raide et Mamilou ne peut plus marcher en avant tellement ça lui fait mal aux jambes. Alors, maline comme elle est, elle y va en arrière! Et c’est relativement efficace. C’est le moment que choisit notre facétieux « modicanadien » pour faire son petit film, lequel m’a inspiré la modeste poésie que je vous propose ci-après. Rien d’étonnant à tout ça, car Charly est un immense poète, internationalement reconnu dans son quartier… Que dis-je « immense », bien plus que ça: c’est un « maitre », une « flêche », une « épée », un « glaive », un « fusil à pompe de refroidissement »… (oui, je sais, c’est un peu n’importe quoi, vers la fin…).
Eloge de la reculade, poème des îles
Celui qui recule dans une direction opposée avance largement aussi bien que celui qui fonce vers une place incertaine, mal définie et pour tout dire désespérante. Quant à celui qui stagne au même endroit sans s’occuper de l’azimut du compas à pointe sèche… je le plein jusqu’à plus soif !
Cette notion de « reculer », c’est dans la tête. En réalité, pour bien piger les choses de la vie, il faut toujours prendre du recul (sauf, peut-être pour faire un selfie au bord du gouffre…).
Pour illustrer mon propos, prenons l’exemple de la dentiste:
On sait qu’elle va nous faire mal, alors on y va à reculons… Du coup, on s’éloigne de son cabinet et la douleur s’estompe… C’est là que nous prend, par-derrière, l’envie de faire demi-tour pour rentrer chez nous, au lieu de se rendre à son officine… Mais, quand on fait demi-tour à reculons, qu’est-ce qui se passe-t-il ? On change de direction et on progresse à l’opposé. C’est logique !
Sauf qu’à l’opposé, c’est là qu’habite la crémière, qui est fort avenante, au demeurant, bien que son mari soit un peu demeuré, lui. Il rend l’argent du beurre, c’est vous dire ! Impossible de reculer, il faut aller de l’avant. Surtout si on n’aime pas se faire rentrer dans le derrière, même à reculons.
Moi, je suis fasciné par les gens qui avancent à reculons dans la vie. Logiquement, vu qu’on se dirige tous vers la mort, ce genre de client devrait théoriquement être immortel… Ce qui, à mon avis, doit être mortellement ennuyeux.
Alors qu’un enterrement avec la procession qui se rend au cimetière à reculons, ça aurait diablement de l’allure ! Les gens ne penseraient même plus à pleurer, tellement occupés à ne pas se vautrer dans le caniveau. En même temps, tomber à reculons, on se reçoit sur les fesses et ça amortis. Cependant que se casser le nez sur la grille du cimetière fermée comme une huitre perlière, c’est contrariant, faut reconnaitre…
C’est vrai qu’avancer à reculons, c’est contrariant aussi : on a beau scruter le lointain, on n’atteint jamais l’objectif. Quoi que… La terre étant ronde, au bout d’un moment, on doit certainement se pécho la cible quand même, mais à l’envers ! Faut juste ne pas être platiste…
Bon, bref, avec Charly, Isa et Mamilou, nous envisageons sérieusement de créer un challenge de descente du Mont Pelé par l’ouest, entre la Caldera et Le Pêcheur, exclusivement en marche arrière.
Avis aux amateurs