Un nouveau concept original: la croisière chirurgicale en Floride
Les croisières à thème ont le vent en poupe. Dans notre monde trépidant où tout est +++, le simple fait d’évoluer tranquillement dessus la mer jolie ne suffit plus à épanouir les passagers. Alors, il faut imaginer toutes sortes de lignes directrices. Comme qui dirait des lignes de pêche au client…
Exemple de croisière sur le thème « souris »…
Promenez vous à Nassau. Vous verrez arriver quotidiennement le paquebot Mickey, qui déverse bientôt son imposante cargaison de sympathisants, blancs comme des fesses d’agriculteur breton. Puis, l’après-midi les ramène à bord, couleur homard à l’armoricaine, au son du slogan racoleur : « À présent, revenez tous à bord, c’est l’heure de vous faire Mickey… ».
Plutôt que de vous citer d’autres exemples du même style, je préfère vous informer d’une tendance, encore peu répandue, bien qu’initiée par la célèbre influenceuse « Mamilou en short », lors d’une de ses escales en Polynésie.
Récit de la première croisière chirurgicale polynésienne
Ayant imprudemment fiché une aiguille d’oursin dans un de ses nombreux doigts, la belle plongeuse avait négligé de traiter le problème en heure et en temps. Elle comptait sur l’efficacité de ses défenses naturelles pour dissoudre ce petit corps étranger, tellement infime selon son jugement.
Or, quelques jours plus tard, les festivités de fin d’année avaient réuni autour de nous quelques joyeux compagnons de libation dont nous sommes ravis de la présence en de pareilles circonstances. Hélas, c’est à ce moment-là qu’il apparût clairement que l’oursin avait bel et bien planté « le mal » dans la menotte de ma doudou. Celle-ci avait, à présent, la taille d’une belle mangue et un peu aussi la consistance (la main, bien sûr, pas la dame…).
Direction « les urgences » en plein milieu de nuit de la Saint-Sylvestre. Le hasard ayant, encore une fois, eu le bon goût d’agir avec pertinence, le médecin urgentiste de service cette nuit-là était notre ami Pierre B.
« Je termine mon boulot au petit jour », dit-il. « Le temps de me requinquer par une sieste réparatrice (il venait de bosser 24 h d’affilée…), je serais à votre bateau vers 11 h, et je vais inciser ça moi-même. Domi fera l’infirmier… »
Oups ! Ceci est assez éloigné de mes spécialités, mais bon… Que ne ferais-je pas pour sauver Mamilou ? Alors, pas de discussion.
Et c’est ainsi qu’elle inaugura, malgré elle, le concept de « croisière chirurgicale », opérée dans le carré du Catafjord par l’ami Pierre qui transpirait comme un beignet. Tout se déroula à merveille, et la croisière put continuer à s’amuser, comme d’hab…
Quelques années plus tard, Mamilou en Amérique…
Puis, récemment, Mamilou goûtait, comme à son habitude, un périple fort agréable en la fascinante ville de Baltimore, Lady’t Bee tranquillement assujettie dans une marina du centre-ville. Nos amis canadiens venaient juste de nous quitter pour repartir au travail, lorsqu’une magnifique vedette américaine de 52’ vint s’amarrer à la place voisine. Pour s’y marrer ? Allez savoir…
Son propriétaire s’avéra rapidement avenant et volubile, tout comme sa charmante compagne. Ainsi, sans le concours d’aucun apéro, une saine connivence s’instaura sans tarder entre le couple Francine/Tom et nous. Nous échangions quotidiennement quelques politesses d’usage, tout en évoquant des anecdotes de nos vies respectives.
Un jour, Tom s’approcha tout près de la figure de Malou…
Ce faisant, il me causa un bref début d’inquiétude, immédiatement dissipé par ces paroles :
— Malou, je suis chirurgien cancérologue, ceci est un cancer de la peau. Il faut l’enlever.
Il désignait du doigt une petite excroissance qui ornait sa joue depuis plusieurs mois, à la manière de ce grain de beauté sur le visage de Cindy Crawford…
Ambiance…
Puis il ajouta :
— Non, mais, pas immédiatement. Tu feras ça quand tu retourneras en métropole.
Ah, bon… Oufff !
L’automne pointant quelques frimas précoces, nous primes congé, direction La Floride
C’est-à-dire là où vivent Francine et Tom.
L’échange des amabilités d’usage fut conclu par ces quelques mots :
— Lorsque vous passerez en Floride, signalez-vous, nous nous reverrons avec plaisir.
Parfois, ça fonctionne et d’autres fois, non.
Samedi dernier, la Lady approchant du secteur dit « Jupiter », Malou envoya un bref message à nos amis qui lui valut cette réponse presque immédiate :
— Rendez-vous au « Tiki52 » à 17 heures.
Ils sont là à l’heure dite et acceptent une frugale collation à bord.
Belles retrouvailles chirurgicales improvisées
Après quelques dizaines de minutes de discussions amicales sur des sujets divers et d’automne, le naturel revint au triple galop chez notre copain Tom.
Je ne vais pas critiquer, j’ai exactement le même travers, qui me pousse bêtement à offrir aux camarades de rencontre, une aide pour résoudre leurs problèmes techniques, dont certains trainent parfois depuis plusieurs années…
— J’ai quelque chose à vous proposer, annonce le chirurgien en retraite
— Je reviens demain matin, après une bonne nuit de sommeil et je vous emmène, avec mon auto, au supermarché pour faire vos commissions. J’apporterais avec moi mon petit nécessaire de couture, et, après les emplettes, je vais opérer Malou sur la table du cockpit !
Puis il se lève, montre du doigt où elle va devoir s’allonger et où il va se positionner, lui-même, avec son scalpel et tout son fourbi, pour procéder à l’ablation du vilain bouton qu’il suggère de transformer en boutonnière !
Comment résister à un tel élan de générosité ?
Chacun termina son verre et s’en fut dans ses foyers en attendant ce que l’avenir voudrait bien nous réserver pour le lendemain…
Et bien, aucune mauvaise surprise, pas le moindre petit coup de théâtre, rien, que dalle, pas d’imprévu ! Un message, sur le téléphone, nous informa que le rendez-vous était fixé à 10 heures. Le programme serait maintenu, soit : commissions avec l’auto, retour à bord de Lady’t Bee et ablation de la mouche avec un scalpel tout neuf, même pas rouillé !
Ainsi donc, à midi pétant, l’affaire était entendue. La mauvaise petite tumeur avait servi de casse-croûte à quelque poisson de passage et Malou, à peine groggy, préparait le déjeuner. Nos amis s’étaient échappés rapidement, après les civilités de circonstances, en promettant qu’on se reverra… Aux Bahamas, pourquoi pas…
Et voilà précisément ce que j’appelle : une croisière chirurgicale réussie !